Pierre Goursat, fondateur de la Communauté de l’Emmanuel (1914-1991)

Témoin des profondes mutations qui ont bouleversé la société française et l’Église au XXe siècle, Pierre Goursat est un laïc célibataire, à la fois contemplatif et homme d’action. Il est le fondateur de la Communauté de l’Emmanuel, née en 1972 en France dans la mouvance du Renouveau charismatique, qui a connu depuis lors un fort développement international.

Pierre Goursat naît à Paris le 15 août 1914 au début de la Première Guerre mondiale. Ses parents, Victor Goursat et Marie Latapie, se séparent en 1923. Marie, qui tient une pension de famille, rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris, élève seule ses deux enfants, Pierre et son frère Bernard, qui meurt soudainement en 1926 à l’âge de 10 ans.

A 19 ans, Pierre Goursat contracte la tuberculose et fait un séjour dans un sanatorium au Plateau d’Assy, dans les Alpes, où il vit une forte conversion en 1933. De retour à Paris, Pierre commence des études à l’École du Louvre et suit des cours d’histoire et d’archéologie à l’École Pratique des Hautes Études. Il aide aussi sa mère, qui est gravement malade, à tenir la pension de famille. Quand elle meurt en 1941, Pierre se consacre alors à la gestion de l’hôtel, malgré sa santé très précaire. Il est si mal, qu’à plusieurs reprises ses proches pensent qu’il va mourir.

En 1943, Pierre Goursat fait la connaissance de l’archevêque de Paris, le Cardinal Emmanuel Suhard, qui devient son conseiller spirituel. Ils se voient régulièrement et échangent sur la déchristianisation de la France. Cette rencontre est décisive pour Pierre qui va désormais brûler d’un ardent zèle missionnaire. Pierre se demande s’il est appelé à devenir prêtre mais il décide de demeurer laïc pour adorer et évangéliser au cœur du monde. Le Cardinal Suhard le confirme dans cette vocation d’apôtre laïc et reçoit son vœu de chasteté.

Engagement dans le monde de la culture, de l’édition et du cinéma

Tout en gérant sa pension de famille, Pierre Goursat ouvre une librairie religieuse en 1945, puis une société d’édition à Paris. Il diffuse la Bible et participe à la Ligue de l’Évangile. Il suit de près les nouvelles initiatives apostoliques qui se développent alors en France, notamment la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC), la Mission de France et la Mission de Paris. Il participe aussi à un groupe de la Légion de Marie qu’il a connue à Nevers en 1940, où il y rencontre le père Raymond Pichard, le premier à diffuser en 1949 la messe dominicale à la télévision française. Pierre prend alors conscience que les mass media sont un champ d’évangélisation privilégié pour toucher le plus grand nombre. De 1946 à 1950, Pierre collabore au Centre Catholique des Intellectuels Français. Membre du comité directeur, il est chargé des publications, puis de l’organisation de débats dans des grandes salles après la projection des films, en présence des réalisateurs ou des acteurs.

A la fin de l’année 1949, Pierre vend sa pension de famille pour se consacrer totalement à l’évangélisation. Il est critique de films pour la Revue internationale du cinéma et fonde en 1951 le Cercle du Cinéma Français où il continue à organiser des débats autour de films. A nouveau gravement malade en 1953, il fait plusieurs longs séjours à l’hôpital jusqu’en 1958.

En 1960, Pierre Goursat est nommé Secrétaire général de l’Office catholique français du cinéma (OCFC), qu’il quitte en 1970. Durant cette période, il fréquente les producteurs, réalisateurs et acteurs connus de l’époque, participe aux festivals de Cannes et de Venise.

La fondation de la Communauté de l’Emmanuel

Pierre qui a toujours eu une grande compassion pour les pauvres et les personnes en difficulté, veut alors créer un centre d’accueil, d’orientation et de prévention pour les jeunes qui sont alors confrontés à l’arrivée massive de la drogue. En octobre 1971 il achète une vieille péniche, qu’il amarre sur la Seine au pont de Neuilly. A cette période, par le père Régimbal – un prêtre canadien – Pierre Goursat découvre le “Renouveau charismatique” qui commence au sein de l’Église catholique en Amérique du Nord. Il comprend alors qu’il est l’un des signes annonciateurs de cette “nouvelle Pentecôte”, qu’il espérait ardemment et que Jean XXIII avait invoquée sur l’Église et le monde en convoquant le Concile Vatican II.

En février 1972 Pierre – qui a alors 57 ans – est profondément renouvelé par “l’effusion de l’Esprit” qu’il reçoit lors d’une retraite organisée par le père Henri Caffarel avec d’autres personnes, dont Martine Laffitte qui est interne en médecine. Avec elle, il constitue un groupe de prière, qui en un an passe de 5 à 500 participants. En 1973, d’autres assemblées de prière naissent à Paris et prennent le nom d’“Emmanuel”. Pierre en accepte la responsabilité.

Après le premier rassemblement du Renouveau charismatique français à Vézelay en juillet 1974, Pierre organise des sessions de prière et de formation durant l’été 1975 à Paray-le-Monial, en Bourgogne, où le Christ est apparu à Ste Marguerite-Marie Alacoque au XVIIe siècle pour révéler au monde la Miséricorde de son Cœur. Ce sanctuaire, qui est alors délaissé, reprend vie par ces sessions qui attirent chaque année des foules venant du monde entier.

La vie communautaire prend forme en 1974 lorsque Pierre s’installe avec deux jeunes hommes à la paroisse de la Cité universitaire à Gentilly. En 1975, cette “maisonnée” s’élargit et déménage rue Gay-Lussac à Paris. Pierre organise deux voyages, ouvert aux membres du Renouveau en France, pour visiter les communautés charismatiques aux États-Unis durant l’été 1976. En septembre, il propose une retraite spirituelle qui pose les fondements de la Communauté de l’Emmanuel, en gestation depuis quatre ans. Le 18 juin 1977 une soixantaine de personnes font leur premier engagement dans la communauté. L’année suivante, Pierre Goursat emménage sur la Péniche avec ses proches collaborateurs, alors que la Communauté de l’Emmanuel se développe rapidement dans plusieurs pays. C’est alors pour lui une période intense de grande fécondité où il lance de nombreuses activités missionnaires et de formation.

Hospitalisé pour un infarctus du myocarde à la fin de l’été 1985, Pierre Goursat décide de se retirer du gouvernement de la communauté. Commence alors l’ultime étape de sa vie, celle de l’enfouissement dans la prière. Dans l’abandon à Dieu, il vit un appauvrissement physique progressif. Il meurt sur la Péniche le 25 mars 1991. Ses obsèques sont célébrées le 27 mars par le Cardinal Lustiger à l’église de la Sainte-Trinité à Paris, paroisse qu’il a confiée à des prêtres de l’Emmanuel en 1986. Pierre est inhumé à Paray-le-Monial le Jeudi saint, 28 mars.